MALADIES
Étourdissements posturaux-perceptifs persistants (PPPD ou 3P-D)
Une cause d'étourdissements chroniques

Par Joe Saliba, MD | Neuro-otologiste et chirurgien de la base du crâne
Points Clés
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Le PPPD est un trouble chronique caractérisé par des étourdissements et une sensation d’instabilité persistants, sans vertige rotatoire.
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Les symptômes s’aggravent en position debout, lors des mouvements et dans des environnements visuels complexes.
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Le PPPD se développe souvent après un événement déclencheur qui perturbe le système de l’équilibre.
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Cette condition résulte d’une rehabilitation maladaptive (malsaine) dans la manière que le cerveau traite les informations provenant de différents sens impliqués dans l'équilibre (yeux, oreilles, cou, etc.), ce qui en fait un trouble neurologique fonctionnel.
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Le traitement inclut généralement sur une combinaison de rééducation vestibulaire, de médicaments et de thérapie cognitivo-comportementale.
Qu’est-ce que le PPPD ?
Le PPPD (également appelé 3PD ou trois-P-D) est un trouble chronique de l’équilibre qui provoque une sensation persistante d’étourdissements et d’instabilité, sans vertige rotatoire. Contrairement au vertige rotatoire, les étourdissements du PPPD sont une sensation subjective de déséquilibre ou de mouvement. Le PPPD se développe généralement après un événement déclencheur qui perturbe le système de l’équilibre. Il résulte d’une mauvaise adaptation du cerveau dans l’analyse des informations spatiales et le maintien de l’équilibre. En d’autres termes, après l’événement initial, le cerveau ne compense pas correctement, entraînant une communication anormale entre les oreilles, les yeux et le reste du système de l’équilibre. Bien que chronique, le PPPD n’est pas causé par des lésions de l’oreille interne. Il s’agit d’un diagnostic relativement récent qui regroupe des caractéristiques de troubles précédemment décrits, tels que le vertige postural phobique et les étourdissements subjectifs chroniques.
Quels sont les Symptômes du PPPD?
Les symptômes principaux du PPPD doivent être présents pendant au moins 3 mois selon la définition de la condition.
Symptômes principaux
- Sensations persistantes d’étourdissements ou d’instabilité
- Sensation de tangage ou de balancement, même en position immobile
- Vertiges non rotatoires survenant la plupart des jours et durant plusieurs heures
- Impression de détachement du corps ou de l’environnement (sensation d’être « en dehors » de son corps). Ceci est un symptôme moins fréquent.
- Sensation persistante de « brouillard mental »
Facteurs aggravants
Les symptômes ont tendance à s’intensifier dans les situations suivantes :
- Posture debout : Se tenir debout ou marcher accentue souvent la sensation de déséquilibre
- Mouvement : Les déplacements actifs (comme la marche) et passifs (comme les trajets en voiture ou en transport en commun) peuvent déclencher des symptômes
- Environnements visuels complexes : Les lieux bondés (centres commerciaux, rues animées), le défilement d’écrans, les surfaces avec des motifs, ou encore les grands espaces ouverts (supermarchés, entrepôts) peuvent provoquer des étourdissements
- Situations stressantes : L’anxiété ou un état émotionnel accru peuvent aggraver les symptômes
- Aggravation des symptômes au fil de la journée
Évènements Déclencheurs du PPPD
Le PPPD est toujours précipité par un événement déclencheur qui perturbe l’équilibre et l’intégration des différentes informations sensorielles liées à l'équilibre par le cerveau. Cet événement peut parfois être difficile à identifier, mais avec un interrogatoire approfondi, les patients finissent généralement par identifier un moment précis :
- Troubles vestibulaires (ex. : névrite vestibulaire, vertige positionnel paroxystique bénin) : Ces conditions touchent directement l’oreille interne et provoquent un vertige intense, souvent accompagné de nausées et de vomissements. L’épisode initial finit par se résoudre, mais le PPPD s’installe progressivement et entraîne des étourdissements chroniques.
- Migraines vestibulaires : Comme pour un trouble vestibulaire, la crise initiale peut être sévère, mais c'est la manière dont le cerveau compense après cet épisode qui déterminera si un PPPD se développe.
- Affections médicales causant des étourdissements (ex. : épisodes d’hypotension, malaise vagal).
- Détresse psychologique ou traumatisme : Une crise de panique, par exemple, peut éventuellement mener à un PPPD.
- Maladies neurologiques ou traumatismes : Une commotion cérébrale (traumatisme crânien) est l'une des causes les plus fréquentes dans cette catégorie.
Ces événements activent la réponse de "lutte ou fuite" du cerveau (réaction au stress), ce qui entraîne une prise de conscience accrue de l’équilibre et de la posture. Dans le cas du PPPD, cet état d'hypervigilance persiste même après la résolution de l'événement initial.
Pourquoi le PPPD se développe-t-il après un événement déclencheur ? (Physiopathologie)
Le PPPD est considéré comme un trouble neurologique fonctionnel (c’est-à-dire qu’il n’y a pas d’anomalie structurelle ou anatomique détectable).
Sa physiopathologie repose sur une mauvaise adaptation du cerveau dans sa façon de traiter et d’intégrer les informations provenant des différents systèmes sensoriels impliqués dans l’équilibre :
- Système vestibulaire (oreilles internes)
- Système visuel (yeux)
- Système proprioceptif (capteurs du cou et du corps)
Après un événement déclencheur, le cerveau interprète que les oreilles ne fonctionnent plus correctement et va "reprogrammer" le système de l’équilibre d'une manière inadaptée. Cette reprogrammation empêche l’organisme de bien ajuster sa perception de l’espace et du mouvement.
On peut résumer le trouble en trois points :
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Mauvaise intégration sensorielle (reprogrammation inadaptée):
Le cerveau inhibe (diminue) l’utilisation des informations vestibulaires et se repose excessivement sur les signaux visuels et proprioceptifs, ce qui entraîne des conflits sensoriels et une perception déformée du mouvement. -
Dépendance accrue à la vision :
Les patients atteints de PPPD comptent excessivement sur leur vision pour maintenir leur orientation spatiale, ce qui aggrave les symptômes dans des environnements visuellement complexes. -
Hypervigilance chronique :
Une activation persistante de la réponse au stress ("lutte ou fuite"), qui intensifie la conscience des troubles de l'équilibre et du mouvement du corps.
Troubles fréquemment associés
Plusieurs conditions sont couramment observées chez les patients atteints de PPPD. Ces comorbidités peuvent aggraver les symptômes et compliquer le traitement :
- Troubles anxieux et dépression
- Migraines vestibulaires
- Troubles neurologiques fonctionnels
- Traumatismes crâniens
- Troubles chroniques de la colonne cervicale
- Syndromes douloureux chroniques
Comment réaliser une évaluation clinique du PPPD
Interrogatoire médical
L’oto-rhino-laryngologiste (ORL) effectuera un interrogatoire détaillé portant sur :
- Début et durée des symptômes
- Type de vertige : sensation de tangage, de balancement, de rotation, d’étourdissement, chutes, etc.
- Événement déclencheur : trouble vestibulaire, migraine, traumatisme crânien, stress, etc.
- Facteurs déclenchants et lieux problématiques : centres commerciaux, supermarchés, conduite, écrans, etc.
- Facteurs qui soulagent : sommeil, repos, etc.
- Symptômes associés : perte auditive, sensation d’oreille bouchée, acouphènes, infections de l’oreille, etc.
- Symptômes neurologiques : vision floue, diminution de la sensibilité, etc.
- Symptômes cognitifs : troubles de la mémoire, sensation de "brouillard cérébral"
- Impact sur la vie quotidienne et la santé mentale : emploi actuel, capacité à réaliser les activités quotidiennes, etc.
- Antécédents médicaux : migraines, diabète, etc.
- Liste des médicaments actuels et passés (existe-t-il une toxicité pour l’oreille ?)
Examen physique
L’examen clinique comprend :
- Examen otologique: inspection du tympan avec un otoscope et tests de dépistage auditif (tests de Rinne et de Weber avec un diapason).
- Évaluation vestibulaire, spécifiquement les Test d’impulsion céphalique (head impulse test), Test de secouement de la tête (head shake test), Manœuvre de Dix-Hallpike pour exclure un vertige positionnel paroxystique bénin.
- Examen neurologique pour exclure d’autres causes de vertiges.
- Évaluation de la marche et de l’équilibre.
Comment diagnostiquer le PPPD
Le diagnostic du PPPD est clinique, c’est-à-dire qu’aucun test spécifique n’est nécessaire pour confirmer la maladie. Il repose sur un ensemble de symptômes caractéristiques, un événement déclencheur identifiable et un examen physique. L’objectif est aussi d’exclure d’autres diagnostics pouvant mieux expliquer la présentation du patient.
Bien que le diagnostic soit clinique, un bilan minimal est souvent réalisé pour exclure d’autres troubles vestibulaires ou neurologiques. Ceci est d’autant plus important que les symptômes peuvent persister plusieurs mois, voire plusieurs années, provoquant une anxiété médicale importante. De nombreux patients cherchent à être rassurés sur l’absence de maladie grave, et avoir des résultats objectifs est souvent essentiel.
- Audiogramme : Évalue l’audition et l’état de l’oreille interne. Important pour exclure des pathologies comme la maladie de Ménière. En lire davantage ici.
- Tests vestibulaires (ex. : VNG, vHIT) : Permettent d’exclure un déficit vestibulaire unilatéral et d’analyser la coordination œil-oreille (oculomotricité). Cet article fourni plus d'explications sur ces tests.
- Neuro-imagerie (IRM cérébrale) : Réalisée si l’on suspecte une anomalie structurelle du cerveau.
- Évaluation psychologique pour dépister une anxiété ou une dépression (Je me fie au médecin traitant ou le spécialiste référent pour cet aspect).
Comment traiter le PPPD?
Le traitement du PPPD implique une approche multi-disciplinaire :
1. Physiothérapie (ré-éducation) vestibulaire
La rééducation vestibulaire vise à réentraîner le cerveau à traiter correctement les informations sensorielles grâce à des exercices progressifs, notamment :
- Désensibilisation aux stimuli liés aux mouvements (ex. : mouvements de la tête).
- Entraînement à l'équilibre pour réduire la dépendance excessive à la vision.
Les études montrent que la rééducation vestibulaire réduit la sévérité des symptômes de 60 à 80 % après 3 à 6 mois de suivi régulier.
2. Médicaments
Le traitement médicamenteux le plus efficace repose sur l’utilisation d’antidépresseurs (non pour traiter une dépression, mais à une dose beaucoup plus faible pour agir sur le PPPD). Ils permettent de moduler (contrôler) le traitement sensoriel et de réduire l’anxiété. Deux classes principales sont utilisées :
- Antidépresseurs tricycliques (ATC), comme la nortriptyline (Aventyl).
- Inhibiteurs de la recapture de la sérotonine (IRS), comme la venlafaxine (Effexor).
Il est important de noter que le médicament seul ne suffit pas pour traiter le PPPD. Son rôle est d’aider le cerveau à "réinitialiser" sa circuiterie inadaptée, mais une rééducation vestibulaire est nécessaire pour réapprendre au cerveau à coordonner les signaux en provenance des oreilles, des yeux et du système proprioceptif.
De plus, l’usage prolongé des médicaments est rarement nécessaire. Après 12 mois de stabilisation des symptômes, on commence généralement un sevrage progressif (voir prochaine section pour plus d'infos).
3. Thérapie cognitivo-comportementale (TCC)
La TCC aide à gérer l’anxiété et les comportements d’évitement liés au PPPD. Comme pour la rééducation vestibulaire et les médicaments, la TCC est un élément clé du traitement. Il est essentiel d’informer les patients de son efficacité prouvée.
En termes simples, la TCC permet :
- De restructurer les pensées catastrophiques liées aux vertiges.
- D’apprendre des stratégies pour mieux gérer les symptômes dans des environnements déclencheurs.
4. Réalité virtuelle (approche encore expérimentale)
La réalité virtuelle (VR) est une piste émergente prometteuse dans le traitement du PPPD.
Elle permet :
- Une exposition contrôlée aux stimuli déclencheurs dans un environnement sécurisé.
- Une personnalisation des scénarios thérapeutiques en fonction des besoins du patient.
- Une thérapie plus interactive, améliorant l’adhésion des patients.
- Un suivi objectif des progrès, facilitant l’ajustement du traitement.
Les études récentes sont encourageantes, bien que la recherche soit toujours en cours. La VR pourrait devenir un complément précieux aux traitements classiques du PPPD.
5. Traitement des conditions associées
Comme mentionné précédemment, il est fréquent que les patients atteints de PPPD souffrent également d’autres affections associées. Les plus courantes sont :
- Migraines vestibulaires
- Commotions cérébrales (traumatismes crâniens)
- Anxiété
- Troubles cervicogènes (ex. : arthrose cervicale)
Il est essentiel de traiter ces conditions en parallèle du PPPD pour accélérer la récupération.
J’ai commencé mon traitement contre le PPPD – Que puis-je espérer ?
Le pronostic du PPPD varie en fonction de plusieurs facteurs come la durée des symptômes avant le début du traitement, la sévérité du trouble et la présence de troubles associés (dépression, anxiété, maladies neurologiques, etc.). Heureusement, la majorité des patients répondent très bien au traitement. Voici les évolutions possibles :
1. Récupération positive: La majorité des patients atteints de PPPD connaissent une amélioration significative de leurs symptômes avec le traitement. Après six mois, on observe généralement une réduction des symptômes de plus de 50 %, et au bout de douze mois, plus de 90 % des patients atteignent un bon contrôle de leur état. Toutefois, plus le trouble a persisté avant la prise en charge, plus la récupération sera longue. Une fois la stabilisation maintenue pendant douze mois, les antidépresseurs sont progressivement réduits (sur quelques semaines ou mois). Dans certains cas, une faible dose de "maintenance" est gardée, notamment chez les patients souffrant d’anxiété ou de troubles du sommeil associés.
2. Symptômes chroniques mais gérables: Pour d’autres patients, les symptômes persistent sous une forme légère et fluctuante sur le long terme. Bien qu’ils puissent reprendre leur travail et leurs activités quotidiennes, ils signalent encore quelques épisodes occasionnels de vertiges. Ces patients poursuivent généralement leur traitement médicamenteux et ont recours à la rééducation vestibulaire ou à la thérapie cognitivo-comportementale de manière ponctuelle, notamment lors de rechutes.
3. Rémission complète: Enfin, bien que cela soit moins fréquent, certains patients parviennent à une rémission complète et n’ont plus besoin d’aucun traitement..
Avec un traitement approprié combinant rééducation vestibulaire, TCC et médicaments, la majorité des patients retrouvent une fonctionnalité normale et une meilleure qualité de vie. Cependant, même en cas d’amélioration significative, des rechutes temporaires sont possibles. Ces "rechutes" survienne généralement lorsqu'il y a de la fatigue, un manque de repos ou du stress au travail ou à la maison
Que faire en cas de rechute ?
- Rester positif et identifier les facteurs déclencheurs.
- Réviser les exercices avec le physiothérapeute.
- Consulter un neuropsychologue pour une séance de thérapie si nécessaire.
Avec du temps et de la persévérance, la grande majorité des patients récupèrent et retrouvent une vie normale.
Joe Saliba , MD
Le Dr Joe Saliba est un chirurgien ORL spécialisé en neuro-otologie et directeur médical chez ODYO. Il traite des patients souffrant de divers troubles de l'oreille et de la base du crâne, allant de la perte d'audition et du vertige aux schwannomes vestibulaires et aux implants cochléaires.

Un test auditif effectué par un audiologiste est la première étape vers une bonne audition.
ODYO s'associe à des cliniques d'audiologie pour réaliser des évaluations complètes de l'audition et créer des plans d'intervention personnalisés, spécifiquement adaptés aux besoins uniques de chaque patient en matière de communication et de soins auditifs.