Surdité induite par le bruit (surdité professionnelle)

Qu’est-ce que la surdité induite par le bruit (SIB) ?

La surdité induite par le bruit (SIB) est un type de perte auditive neurosensorielle (lisez cet article pour comprendre les différents types de surdité) causé par une exposition à des sons forts. Cette condition peut se développer progressivement à la suite d’une exposition chronique à des niveaux sonores élevés ou survenir soudainement après un événement sonore intense unique. La SIB affecte les structures délicates de l’oreille interne, notamment les cellules ciliées et le nerf auditif, entraînant des dommages permanents irréversibles. Lorsque la SIB est liée à l'exposition dans le cadre d'un emploi, on parle de surdité professionnelle.

Comprendre les environnements bruyants

Pour évaluer ce qui constitue un « environnement bruyant », il est essentiel de comprendre les décibels (dB). Le décibel est une unité logarithmique qui mesure l’intensité sonore. En raison de cette échelle logarithmique, une légère augmentation des dB représente une augmentation drastique de l'intensité sonore  :

• Une augmentation de 10 dB correspond à une multiplication par dix de l’intensité sonore.
• Une augmentation de 3 dB correspond à un doublement de l’intensité sonore.

Voici une échelle plus détaillée de différents environnements et leur niveau approximatif de décibel:

Les sons inférieurs ou égaux à 70 dB sont généralement considérés comme sûrs. Cependant, le risque de dommages auditifs augmente avec l’intensité du son et la durée d’exposition.

❗ Une exposition prolongée à des sons supérieurs à 85 dB peut entraîner une perte auditive permanente.

Types d’exposition au bruit

Il existe deux principaux types d’exposition au bruit pouvant provoquer une SIB :

• Bruit d’impact (traumatisme acoustique) : Il s’agit d’un bruit court et intense comme une détonation d’arme à feu, une explosion ou un pétard. Ces sons puissants peuvent causer des dommages immédiats et irréversibles aux structures de l’oreille interne. Ils peuvent provoquer une rupture du tympan, une dislocation des osselets et des lésions irréversibles de l’oreille interne. Ce type de bruit entraîne généralement une douleur à l'oreille et, selon la gravité des dommages, un saignement de l’oreille.

• Exposition chronique au bruit : Ce type d’exposition implique un contact prolongé ou répété avec des niveaux sonores élevés, comme travailler dans une usine bruyante, assister fréquemment à des concerts à haut volume ou utiliser régulièrement des outils électriques. Ce type de surdité est silencieux : la personne ne perçoit pas immédiatement les dommages, qui ne deviennent apparents que lorsqu’une perte auditive significative est remarquée. C'est le type le plus commun pour les travailleurs (surdité professionnelle).

Quelles sont les normes de bruit pour les travailleurs du Québec ?

Les normes québécoises d’exposition au bruit pour les travailleurs sont définies par la Loi sur la santé et la sécurité du travail. Depuis le 16 juin 2023, des modifications importantes ont été mises en place pour mieux protéger les travailleurs contre la surdité induite par le bruit.

Principaux points des nouvelles normes québécoises

• Limite d’exposition : La limite maximale de bruit pour une journée de travail de 8 heures est passée de 90 dBA à 85 dBA.

• Identification des risques : Les employeurs ont un an (jusqu’en juin 2024) pour identifier les situations de travail dépassant ces nouvelles valeurs.

• Fréquence des évaluations : Une fois l’évaluation initiale réalisée, une réévaluation du bruit doit être effectuée tous les cinq ans.

• Durée d’exposition maximale : La réglementation établit des seuils spécifiques selon l’intensité du bruit :

  • 85 dBA : 8 heures d’exposition autorisées
  • 88 dBA : 4 heures
  • 91 dBA : 2 heures

  • 94 dBA : 1 heure

• Responsabilités des employeurs : Les employeurs doivent réduire le bruit à la source, isoler les zones bruyantes ou fournir une protection auditive adéquate.

• Délai de mise en œuvre : Une période de cinq ans est accordée pour adopter les mesures nécessaires afin de réduire l’exposition au bruit.

Ces normes visent à aligner le Québec sur les meilleures pratiques canadiennes et internationales en matière de protection contre les nuisances sonores en milieu de travail.

Comment le bruit endommage-t-il l’oreille ?

Les bruits forts surstimulent les cellules ciliées (les cellules responsables de l'audition) de la cochlée, cet organe en forme d’escargot de l’oreille interne qui transforme les ondes sonores en signaux électriques. Cette surstimulation peut entraîner plusieurs types de dommages :

• Dommages mécaniques : Les vibrations excessives peuvent endommager ou détruire les cellules ciliées et leurs stéréocils (prolongements situés au bout des cellules ciliées et qui sont critiques à la détection des sons).

• Epuisement métabolique : Une stimulation prolongée épuise les réserves d’énergie des cellules ciliées, entraînant leur mort.

• Excitotoxicité : Une surstimulation excessive rompt la connexion entre les cellules ciliées et les fibres du nerf auditif.

• Synaptopathie cochléaire: Aussi connu sous le nom de "surdité cachée", ce phénomène implique des dommages aux synapses (connections) entre cellules ciliées et nerf auditif peuvent perturber la transmission du signal nerveux au cerveau.

Une fois ces cellules ou connexions endommagées, elles ne peuvent pas se régénérer, rendant la perte auditive irréversible.

Diagnostic de la surdité induite par le bruit

Le diagnostic de la SIB repose sur une évaluation complète de l’audition. Pour plus de détails sur l'évaluation auditive, veuillez lire cet article.

1. Audiométrie tonale : La courbe du test auditif typique de la SIB montre une meilleure audition aux basses fréquences, une chute marquée entre 3000 et 6000 Hz, et ce qu'on appelle une encoche à 4000 Hz (très typique pour la SIB), suivi une récupération partielle à 8000 Hz.
   
   
2. Audiométrie vocale : Évalue la compréhension de la parole, qui est souvent altérée dans la SIB.
   
   
3. Tympanométrie : Permet d’éliminer d’autres causes de perte auditive, mais elle est généralement normale dans la SIB.
   
   
4. Otoémissions acoustiques : Peuvent détecter des dommages aux cellules ciliées externes avant qu’ils ne soient visibles sur un audiogramme. Ce test est considéré comme un signe précoce de la SIB.

Facteurs de risque aggravants pour la SIB

Certains facteurs peuvent rendre l’oreille plus vulnérable à la surdité induite par le bruit. Il est important que les patients ayant certains de ces facteurs de risque soient encore plus vigilants s’ils sont exposés de manière chronique au bruit sur leur lieu de travail ou lors de leurs activités de loisirs :

1. Solvants chimiques : Certains solvants organiques (toluène, éthylbenzène) augmentent la susceptibilité aux dommages sonores.  Ces solvants sont généralement présents dans les usines produisant du plastique, du caoutchouc, certains textiles et des peinture
   
   
2. Maladies cardiovasculaires : Les troubles affectant la circulation sanguine (ex. : diabète) peuvent fragiliser l’oreille interne.
   
   
3. Tabagisme : Peut aggraver la perte auditive lorsqu’il est associé au bruit.
   
   
4. Prédisposition génétique : Certaines personnes sont plus sensibles à la SIB.
   
   
5. Âge avancé : Augmente la vulnérabilité aux dommages sonores.
   
   
6. Surdité pré-existante: Rend l'oreille plus vulnérable.

Prévention de la surdité induite par le bruit

La prévention est essentielle dans la gestion de la SIB. En fait, je dirais qu'elle est bien plus efficace que tout traitement. Voici les mesures recommandées :

• Appliquer la règle du 85/8 : Limiter l’exposition à 85 dB à un maximum de 8 heures par jour. Chaque augmentation de 3 dB réduit de moitié la durée d’exposition autorisée. Comme nous l'avons vu ci-haut, c'est parce que pour chaque augmentation de 3 dB de bruit, l'intensité sonore double.
  
  
• Utiliser des protections auditives : Les bouchons d’oreille sur mesure offrent la meilleure protection.L’indice de réduction du bruit (Noise reduction ratio, NRR) indique de combien de décibels un protecteur auditif réduit le bruit lorsqu’il est porté correctement. Cet article fournit plus d’informations sur le NRR et sur les types de protection auditive disponibles, et peut vous aider à déterminer quelle protection est la mieux adaptée à votre situation.
  
  
• Faire des pauses : Laisser aux oreilles le temps de récupérer après une exposition prolongée à des bruits forts.
  
  
• Baisser le volume : Ne pas dépasser 60 % du volume maximal (ou 85 dB) sur les appareils personnels.
  
  
• Surveillance auditive : Les travailleurs exposés au bruit devraient subir un test auditif annuel.

Traitement de la surdité induite par le bruit

Bien qu’aucun traitement ne puisse restaurer l’audition perdue, plusieurs stratégies peuvent améliorer la qualité de vie :

1. Appareils auditifs : Les prothèses auditives numériques modernes peuvent être programmées pour amplifier les fréquences spécifiques affectées par la perte auditive induite par le bruit (NIHL).
   
   
2. Dispositifs d’aide à l’écoute : Ils peuvent être utiles dans certaines situations, comme regarder la télévision ou parler au téléphone.
   
   
3. Implants cochléaires : Pour les pertes auditives sévères à profondes, ces dispositifs peuvent contourner les parties endommagées de l’oreille interne et stimuler directement le nerf auditif.
   
   
4. Gestion des acouphènes : Des techniques comme la thérapie sonore ou la thérapie cognitivo-comportementale peuvent aider à gérer les acouphènes souvent associés à la NIHL.
   
   
5. Entraînement auditif : Il peut améliorer la compréhension de la parole, en particulier dans les environnements bruyants.

Protéger son audition est fondamental. Si vous soupçonnez une SIB, consultez rapidement un ORL ou un audiologiste. Une intervention précoce peut prévenir des dommages supplémentaires.